Pour continuer la série d’articles sur un endroit où il fait toujours chaud, du moins quand il ne fait pas froid (ça c’est de la phrase d’accroche), parlons aujourd’hui géographie.
Tout d’abord, où est l’enfer ?
Grâce à l’article sur la sémantique, nous avons vu que l’enfer se trouve probablement en-dessous de nous, par opposition au paradis, qui est au-dessus. Ainsi, on « descend » aux enfers et on « monte » aux cieux. Malgré cela, il ne faut pas s’attendre à trouver chez les catholiques un lieu en tant que tel, avec des canapés nuages ou des chaises faites de clous.
» Pour les chrétiens, le ciel c’est Dieu et c’est aussi le Royaume des cieux où demeurent ceux qui sont sauvés. Pour le définir, il est plus facile de dire ce que le ciel n’est pas ! Le ciel n’est pas un temps parce qu’il est l’au-delà du temps ; ce n’est pas un lieu parce que qui dit lieu dit finitude. » Bernard Sesboüé
Les aztèques, eux, voyaient l’infra monde comme un véritable espace, qui s’étendait de la surface de la Terre jusqu’à son centre. Les grecs et les romains partageaient l’idée que l’enfer était une grotte, une caverne obscure à l’intérieur de la terre.
La vision de l’Hadès est restée célèbre : le Styx séparait le monde des vivants de celui des défunts, Cerbère, le chien à trois têtes en gardait les portes et Charon le batelier transportait les âmes d’une rive à l’autre.

Les bouddhistes ont eux aussi su faire une description assez graphique de l’enfer, avec un organisation cette fois plus verticale qu’horizontale. Notons d’abord que contrairement aux grecs qui restent stationnaires à se tourner les pouces dans l’au-delà, pour les bouddhistes, l’enfer est un état temporaire. Aucune âme n’y reste pour l’éternité, mais elle peut néanmoins y passer beaucoup de temps.
» L’« enfer du chaudron de fer » mesure soixante lieues d’étendue, et il faut trente ans pour descendre jusqu’au fond. Dans un autre enfer, le pécheur brûle pendant 576 millions d’années. » En savoir plus
Pas le temps de s’ennuyer néanmoins, car des enfers, il en existe 10, 13 ou 256, personne n’est tout à fait sûr, semble-t-il. Les 256 se décomposeraient néanmoins en 8 enfers chauds et 8 froids, chacun entourés par 16 enfers moindres mais non moins plaisants.
» Parmi les huit enfers chauds, il en est un où les pécheurs s’arrachent mutuellement la chair avec des griffes de métal ; un autre où des éléphants de fer piétinent les victimes ; un troisième, dit l’« enfer de la chaleur cuisante », où les suppliciés sont réduits en cendres dans un fourneau. Dans un des enfers froids, la chair éclate et se couvre de plaies ; dans un autre, les lèvres gèlent. »
Sympa.
Chez les musulmans, on retrouve à nouveau l’idée d’une organisation verticale, avec les sept portes, vers lesquelles les défunts sont dirigés en fonction des péchés commis. Les menteurs seraient ainsi appelés à la porte 3 et les païens à la 2. C’est presque un aéroport, mais avec des étages.
Les niveaux, on les retrouve aussi dans le purgatoire. Avant son invention vers le 12ème siècle, n’existait pour les catholiques que l’enfer, qui était une sorte de fourre tout où les pêcheurs y séjournaient indéfiniment.
« L’enfer consiste dans la damnation éternelle de ceux qui, par libre choix, meurent en état de péché mortel. C’est l’homme lui-même qui, en pleine autonomie, s’exclut volontairement de la communion avec Dieu », énonce le catéchisme de l’Église catholique. En savoir plus.
Cela était pourtant contraire à l’idée d’un Dieu d’amour, clément et bienveillant. Cela pouvait aussi paraître injuste dans la mesure où ça ne donnait pas droit à une seconde chance, aucune place pour le repentir et l’absolution. Allez directement à la case enfer, n’emmenez pas vos euros et ne touchez pas le jackpot de la vie éternelle pépouse au paradis. Le purgatoire est vite apparu comme un entre deux, une série d’épreuves à affronter pour monter aux cieux, ou finir de prouver que l’enfer était vraiment mérité.
C’est surtout grâce à Dante, que nous avons une idée assez forte de ce à quoi ressemble le purgatoire. Comme vous pouvez le voir ci-dessous, c’est une montagne avec au sommet le paradis terrestre popularisé par Adam et Eve. Il existe sept terrasses, chacune correspondant à un péché capital, où les âmes cherchent à s’en délivrer pour ensuite rejoindre Dieu.
Là encore, le mouvement est ascendant. Ceux qui y ont accès commencent avec l’orgueil, puis continuent avec l’envie, la colère, l’acédie, l’avarice, la gourmandise et, pour garder le meilleur pour la fin, la luxure. Pas de limite de temps, pas de discours interminables, on fait dans la pédagogie : ce sont les individus qui doivent accepter le péché et s’en délivrer pour ne faire qu’un avec le divin.
» Ce n’est ni un lieu ni un temps, mais c’est un devenir de guérison. Le purgatoire est donc l’expression de la grande patience de Dieu qui maintient, jusque dans l’au-delà de notre pauvre vie, la possibilité de l’achèvement de notre conversion totale à l’amour. » Bernard Sesboüé
Plus récemment dans l’histoire, l’enfer s’est déplacé. L’idée qu’il s’agit d’un lieu précis avec des étages, des portes, des montagnes et des fleuves, est devenue chaque fois moins crédible. L’enfer n’est plus sous nous ou dans un non espace. Non, il est toujours plus perçu comme étant en nous, sur Terre, l’expression de notre société et de notre relation à l’autre.
L’enfer, c’est les autres, disait Sartre.
Et parfois, dans le RER à l’heure de pointe, je ne peux que penser qu’il avait raison.
Pour en savoir plus sur les niveaux du purgatoire : ici
Dans la mythologie grecque : ici
Les enfers bouddhistes : l’encyclopédie universalis
Un court article sur la phrase célèbre de Sartre
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