Cet article est le premier d’une série sur un thème qui me passionne : l’enfer. Et en ce mois d’octobre, à une dizaine de jours d’Halloween, cela me paraît de saison. Les fantômes, les âmes damnées ou possédées, les démons et autres squelettes sont autant de symboles de cette fête païenne reprise par la religion catholique, puis par une autre, le capitalisme, pour lui donner la forme que l’on connaît aujourd’hui.
Prenons donc le temps d’explorer ce qu’est l’enfer à travers les mots qui le désignent dans différentes langues, religions et civilisations. Attention, rien d’exhaustif ici, simplement une introduction, pour voir comment les mots que nous utilisons le décrivent, expriment nos peurs profondes et nous laissent entrevoir une certaine forme d’espoir que justice sera faite.
Le thème est riche et varié, aussi je serai heureuse d’enrichir mes connaissances grâce à vos commentaires et recommandations de lecture.

En parlant de vous tiens, quels sont les premiers mots qui vous viennent à l’esprit lorsque vous lisez « enfer » ? Il est probable qu’ils figurent parmi les suivants.
Le mot enfer vient du latin infernus, qui désigne ce qui se trouve en-dessous. En anglais, le mot hell avait plutôt à l’origine la signification de ce qui est caché. En grec, enfin, qu’il soit moderne ou ancien, l’enfer c’est le kolase, soit le châtiment, la punition.
On retrouve bien là trois éléments clefs pour décrire l’enfer : un espace mystérieux que l’on place généralement quelque part en-dessous de nous et où les âmes pécheresses se rendent pour y recevoir ce qu’elles méritent.
Il manque néanmoins quelque chose dans ce tableau : le feu.
Que l’on parle des flammes purificatrices ou du froid mordant qui brûle les corps, les températures extrêmes sont une des grandes caractéristiques de l’enfer et font probablement partie des mots qui vous sont venus à l’esprit.
En hébreu, l’enfer c’est la géhenne. La géhenne est à l’origine une vallée près de Jérusalem où des sacrifices rituels d’enfants avaient lieu. L’espace est ensuite devenu une décharge à ciel ouvert et comme cela arrive souvent lorsque l’on entasse des ordures : elles prennent feu. La vallée était donc un lieu de flammes qui ne s’éteignaient jamais vraiment où des pratiques scandaleuses avaient pris place. Il devint alors commun d’utiliser le nom de cet endroit pour désigner un lieu de grande souffrance : l’enfer.
Cette vallée était aussi parfois vue comme une des portes de l’enfer, un lien entre notre réalité et ce que les aztèques auraient pu appeler l’infra monde.
Dans la religion musulmane, plusieurs mots font référence à ces portes, au nombre de sept et qui mènent à différents niveaux de l’enfer : Jahim, Jahannam, Ladthaa, Sa’ir, Saqar, Hatamah, Haawiyah. Ils décrivent le feu ardent, un lieu sans fin et sans fond où les êtres y sont détruits ou défigurés.

Il est clair que l’enfer est une projection de nos peurs : l’idée de la mort, de la fin de la vie ou au contraire d’une éternité de douleur physique et morale.
Cette peur est même un élément fondamental de la foi des grandes religions monothéistes. Pendant des siècles, ce fut un outil de propagande utilisé par les chrétiens pour convertir les masses. La menace d’une éternité de souffrance pour soi et ses proches, la description de pratiques scandaleuses et malsaines, suscitaient une terreur qui finissait de convaincre les plus sceptiques. Des œuvres comme celles de Michel-Ange ou de Dante ont renforcé le mythe, lui ont donné vie et ont créé le décor que l’on connait bien.
L’enfer est le bâton, le paradis, la carotte.
La peur d’y être condamné a pu pousser les individus à mieux se comporter sur Terre, à faire le bien. Aujourd’hui, je doute que cela soit encore un grand moteur de choix moraux, mais son spectre fait toujours partie de notre vocabulaire.
Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer, chantonnent les enfants.
Lorsque tout va mal, on parle d’une vraie descente aux enfers.
On aura vite fait de s’exclamer, pour décrire une situation difficile « c’est l’enfer ici » ou très plaisante « c’est d’enfer cette soirée ».
En anglais, les multiples références à l’enfer sont encore plus marquantes : when hell freezes over, a living hell, hot as hell, all hell broke loose, raise hell… et la liste continue. Hell tout court est même une interjection courante.
Plus encore, l’enfer, le jugement dernier, est le garant d’une certaine justice cosmique : ceux qui ont commis des péchés n’en seront pas délivrés, ils devront payer, rendre des comptes, même quand les hommes n’ont pas pu s’en charger. There will be hell to pay, une mauvaise action te coûtera l’enfer. Face au tout puissant, enfin, le bien, le juste, sera rétabli.
Je me souviens d’une conversation sur la corruption au Brésil et face à l’étendue des révélations de l’opération « lava jato », face à l’inefficacité de la justice pour appréhender les coupables, la mère de mon cher et tendre m’avait dit « ma seule consolation, c’est qu’au moins, ils finiront en enfer ».
Pourtant, avec le temps, l’enfer n’est plus seulement un élément de fascination morbide, mais est aussi devenu « cool ». L’enfer, c’est le lieu des rebelles, de ceux qui s’affranchissent des lois qui nous limitent. C’est l’endroit où se concentrent les individus plus intéressants. Le paradis, « c’est plate », comme dirait ma cousine de son bel accent québecois.
Pour citer le groupe The Dead South : In hell I’ll be in good company
Un autre mot ou nom qui vous est peut être venu à l’esprit est celui du diable. Lucifer. L’incarnation du mal. Lui et ses compères sont des figures fondamentales du mythe.
Mais ça, c’est pour une autre histoire.
Une définition de la géhenne, ici.
Un podcast passionnant de la BBC radio 4.
L’enfer dans l’islam, décrit sur ce site.
Un article intéressant sur l’étymologie du mot hell.
Du côté de la religion catholique, deux articles qui peuvent intéresser, ici et ici.
Hey Auré ! Je ne savais pas que t’avais un blog, c’est énorme. 🙂
Pour en revenir à l’enfer après la mort, ce que je trouve bizarre c’est que j’ai encore rien lu à ce sujet dans la Bible (j’en ai lu les 2/3 pour l’instant, donc « que » la plupart de l’Ancien Testament). Je me demande quand est-ce que l’idée d’enfer et de paradis après la mort est devenue « mainstream », ha… Tu sais ?
xxx
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Bonne question ! Je n’ai pas de certitude, mais je vais m’appuyer sur ce qui a été dit notamment ici : https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Mort/Ou-irons-nous-apres-notre-mort
Le théologien interviewé pense que la question de savoir ce qui se passe vraiment après la mort aurait pris de l’importance vers la fin du Moyen Age. A cette époque, ce qui faisait frissonner l’église et les croyants tournait surtout autour de l’apocalypse et de la fin des temps. Quand l’individu a commencé à prendre plus d’importance, la question de ce qui se passait pour les défunts à commencé à se faire plus présente.
Maintenant, dans la Bible, je dirais que les premières références au paradis se font dans le livre de la Genèse, mais que la question doit devenir plus présente dans le nouveau testament, puisque y est abordé le grand sujet de la résurrection.
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