Apprendre une langue, c’est s’ouvrir à une autre manière de penser, à une culture, à une richesse sans limites.
Merci pour les clichés Auré, tout le monde est au courant.
C’est vrai. On l’entend partout. Les enquêtes sur les bénéfices pour le cerveau de parler plusieurs langues se multiplient. Les écoles avec cours en anglais se font plus nombreuses. Les baby-sitters bilingues sont à la mode. Bref. On aime les langues, moi la première.
Si vous avez lus tous mes articles jusque là ou si vous me connaissez, vous saurez probablement que je suis née en France d’un père français et d’une mère mexicaine. A la maison, j’ai grandi dans un mélange des deux cultures et des deux langues. L’été, dès que nous avions assez de sous, nous allions rendre visite à la famille au Mexique et j’en garde des souvenirs tendres et spectaculaires.
C’est probablement de là que me vient cette passion pour les langues étrangères. La première que j’ai apprise, si l’on ne compte pas le français et l’espagnol, c’est l’anglais. C’était la première fois que je m’asseyais pour apprendre une langue dont je ne connaissais rien. Quelle découverte étrange et merveilleuse ! Je suis tombée amoureuse de ces sonorités, de cette manière dont mon esprit et mes phrases se tordaient pour exprimer une idée. D’un coup, je n’avais plus un âge mais je l’étais. Rire devenait plus subtile, car une variation unique s’offrait à moi : laugh, snort, snigger, roar, giggle… Je pouvais tempêter contre quelqu’un, mais aussi tempêter hors de la pièce.
L’anglais est une langue dans laquelle on peut exprimer des actions superbes. You dance the night away. You bawl your eyes out. Someone can sweep you off your feet and fly you to the moon.
C’est de toute beauté.
Plus tard, j’ai découvert l’italien, langue chantante s’il en est une, vite oubliée une fois installée au Brésil, où j’ai eu mon deuxième coup de cœur linguistique.
Le portugais, du moins celui du Brésil, est une langue hilarante, passionnelle.
On fica, gosta, se apaixona, namora, ama…
Le français, pourtant réputée pour être une langue de l’amour est étonnamment pauvre en mots qui l’expriment. Nous avons plutôt tendance à rajouter des adjectifs pour qualifier un sentiment. On aime bien, beaucoup, à la folie, passionnément, ou alors on aime tout court. C’est tout en subtilité.
La première fois que mon cher et tendre brésilien m’a dit en français dans un élan de romantisme « je t’aime beaucoup », je n’ai que moyennement été flattée.
De la même manière, il s’était étonné que nous n’ayons pas de mot spécifique pour désigner le « namorado(a) » autre que « petit(e) ami(e) ».
– Mais je suis pas petit.
– Non, je sais bien. Tu peux dire « copain » aussi.
– Copain ? C’est pas comme un ami mais moins bien ?
– Ça veut aussi dire petit ami.
– Vous avez des mots super spécifiques pour des trucs comme la fenêtre de l’avion mais vous n’avez jamais pris la peine de trouver un mot pour designer quelque chose d’aussi important qu’un namorado ?
– Il faut croire.
– Et comment tu dis namorar ?
– Tu es avec quelqu’un. Je suis avec toi. Ou alors on est ensembles.
– Il n’y a pas de verbe ?
– Non.
– Ce n’est pas une action ?
– Ivy, je n’y peux rien.
– Oui bah nous on namora, ok ? Pas de ça d’être « avec ». Si tu parles comme ça tu peux être avec pleins de personnes. Avec ! Je suis avec mon frère. Je suis avec mon chien. Namorar c’est pas pareil.
– C’est un double sens, amor.
– Pas de double rien du tout.
Ai, que saudade de um beija-flor
Que me beijou, depois voou
Pra longe demaisHenrique e Juliano, Marilia Mendonça – Flor e o beija-flor
En portugais, on utilise aussi des expressions quotidiennes qui ne cessent d’émerveiller mes oreilles d’étrangère.
Un tomara que caia, c’est un maillot de bain bandeau sans bretelle, soit littéralement un « pourvu que ça tombe ».
Une TV para cachorro, une « télévision pour chien » désigne les fours dans lesquels cuisent les poulets rôtis devant les bouchers.
Une calcinha fio dental, une « culotte file dentaire », c’est un string.
Ils ont aussi la liberté de faire des raccourcis qui, bien que non corrects, sont communs dans la langue de tous les jours.
La conjugaison du passé simple étant difficile et désagréable à l’oreille, on va plus facilement dire pour le verbe faire, você fez ou même tu fez, plutôt que tu fizeste.
La conjugaison officielle La conjugaison quotidienne
Eu fiz Eu fiz
Tu fizeste Tu fez
Ele/ela/você fez Ele/ela/você fez
Nos fizemos A gente fez
Vos fizestes Inconnu au bataillon
Eles/elas/você fizeram Eles/elas/vocês fizeram
La prononciation aussi est moins stricte qu’en français, par exemple. A la fin des mots, les e et les i sont presque interchangeables, même chose pour les u et les o.
Cette souplesse rend l’apprentissage de la langue tellement plus simple et rend bien compte du caractère général de la population : il n’y a jamais de problèmes, tout est tranquille, tout va aller, se Deus quizer.
Moro num país tropical, abençoado por Deus
E bonito por natureza mas que belezaJorge Ben Jor – País tropical
Une langue, c’est riche, vivant, cela évolue, se transforme. C’est un chemin qu’on n’a jamais fini de parcourir. Je ne sais pas quelle sera la prochaine langue que je rencontrerai. Peut être une langue qui a donné naissance à d’autres langues. Le grec ? Le sanskrit ? De belles aventures en perspective.
Oh ! Comme c’est chouette !
Je n’avais jamais remarqué que l’anglais pouvait être si imagé (peut-être justement parce qu’on la dit pauvre en nuances. Si il n’y a pas de nuances dans le vocabulaire alors il faut être inventif dans son emploi)
Je n’avais rien remarqué sur le Portugais Brésilien bien sûr puisque je ne le parle pas (eh eh) Je trouve ce « pourvu que ça tombe » très fidèle à l’image qu’on se fait des brésiliens, les coquins !
Bravo Aurélia, je continue ma lecture 🙂
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