Dis moi ton nom, je te dirai qui tu es

Article inspiré par l’écoute d’un podcast sur les prénoms, que vous trouverez ici.

Un sujet qui m’intéresse dans la mesure où nommer mes personnages est toujours un moment tout particulier. Je présume que c’est le cas pour tout auteur.

Car un nom n’a rien d’anodin, surtout dans le cas d’un personnage de fiction. En quelques lignes après l’avoir rencontré, il est important que le lecteur puisse déjà avoir une idée de qui il s’agit.

Ainsi, un petit prénom fluet comme Annie n’inspirera pas la force et la résilience. Une Jacinthe ne nous invoquera pas la violence et la rébellion. Un homme nommé Kevin ne nous parlera pas de modernité ou d’aristocratie. Un Boubakar nous fera penser à des origines africaines, là où un John nous renverra vers un pays anglophone.

La sonorité, les connotations, les associations qu’ils nous inspirent nous aident à cerner un personnage, à le mettre dans une case pour mieux comprendre son histoire.

Les sonorités

J’adore écouter des podcasts et j’aime en apprendre davantage sur les techniques d’écriture. C’est ainsi que je suis tombée sur celui de How Story Works, où Lani Diane Rich recommandait de faire un tableau des noms de ses personnages pour éviter, par exemple, de se retrouver avec des noms de filles qui ne termineraient que par des « a » ou qui auraient des résonances trop proches.

Grâce à ce tableau, je me suis aperçue que j’appréciais trop les noms qui finissaient par le son « i », ce qui est non seulement agaçant pour les lecteurs mais peut aussi favoriser les confusions.

Dans la série A Throne of Glass, l’auteure Sarah J Maas a deux personnages qui sont souvent vus ensembles : Rowan et Lorcan. Deux noms aux sonorités proches. Deux syllabes, autant de lettres. Il n’en fallait pas plus : j’ai passé la moitié de mon temps de lecture à les confondre.

Le biais d’originalité

Un prénom nous parle non seulement d’origines sociales ou géographiques, mais aussi de genres littéraires.

En parcourant quelques avis sur divers livres destinés aux jeunes adultes sur le site de goodreads, je me suis aperçue qu’une critique qui revenait assez souvent était celle que donner un nom original à un personnage ne le rendait pas de manière automatique… original.

Il peut attirer ou retenir l’attention mais est loin d’être un élément principal pour définir sa personnalité.

En ouvrant un livre, si l’on rencontre une Cassiopée au milieu d’un océan de François et de Marie, il est probable que l’on s’arrête et se dise, tiens elle doit avoir quelque chose de spécial. Pourtant, si au bout de quelques pages, Cassiopée se comporte comme tous les François et toutes les Marie, et n’a d’autre particularité que de se trouver à un certain endroit à un certain moment, on aura plutôt envie de crier « remboursé ».

J K Rowling avait expliqué dans un entretien qu’elle avait choisi le nom de Harry Potter justement parce qu’il n’avait rien d’unique. Elle voulait un nom commun, celui d’un petit garçon comme tous les autres, qui est embarqué dans une aventure extraordinaire, avec lequel des milliers de jeunes lecteurs pourraient s’identifier.

Dans d’autres ouvrages du même genre, la littérature de l’imaginaire, c’est parfois la compétition des noms bizarres. On y retrouve beaucoup de lettres peu utilisées : le k, le h, le y, les w… On ne sait pas toujours comment les prononcer et encore moins comment les écrire.

Personne n’y échappe, des grands classiques aux livres plus récents.
Si je vous dis Arwen, Eowyn, Nazgûl, vous me dites ? Le seigneur des anneaux.
Tyrion, Tywin, Arya, Daenerys ? Trône de fer.
Kaleana (ou Calaena en anglais), Aedion, Lysandra ? La susmentionnée saga par Sarah J Maas.

SOS lecteurs perdus

Non, personne n’échappe à l’épidémie des lettres rares, moi encore moins. Dans l’univers que j’ai créé, il y a au moins autant de noms complètement inventés que de noms tirés de la réalité.

Pourquoi ?

Parfois, par simple goût pour une sonorité particulière, ou bien alors, par nécessité. Si je décris un peuple autochtone d’une planète lointaine qui n’a jamais eu de contact avec des terriens, il semble logique que leurs enfants ne s’appellent pas Jean-Yves ou Robert.

Ceci étant dit, comment éviter que les lecteurs ne s’y perdent ?

Une vaste question, à laquelle je ne peux qu’apporter quelques éléments de réponse. Je serai heureuse de lire vos propres suggestions en commentaire.

  1. Des racines proches : aller chercher du côté du grec et du latin pour maintenir un cadre de référence commun pour des lecteurs de langues du Nord de la Méditerranée. Si je vais piocher dans le sanskrit, il est plus probable que les lecteurs en soient déroutés. C’est comme pendant les cours de yoga, si on me dit « trois respirations en adho-mukha-svanâsana« , je me dis à tort « ouf, enfin l’heure de savasana, j’ai survécu à cette séance ». Car si on me dit « trois respirations en canem caput descendit« , cela me met tout de suite la puce à l’oreille qu’on est plutôt parti sur du chien tête en bas, soit la torture déguisée en pose de repos.
  2. La répétition : plus un nom apparaît, plus il devient normal au fil des pages. Toujours dans mes cours de yoga, à force d’entendre « savasana », j’ai fini par comprendre que c’était ce moment béni qui consiste à s’allonger sur le dos.
  3. Se limiter : éviter de multiplier les noms et orthographes trop fantaisistes sans raison.
  4. Travailler sur la sonorité : le tableau évoqué plus haut est utile surtout lorsque l’on a beaucoup de personnages. Il nous permet de varier les sons, donc, mais aussi d’éviter d’éventuelles répétitions. Ainsi, et malgré des centaines de relecture de mon manuscrit, je ne me suis aperçue il n’y a que quelques jours que j’avais deux personnages qui s’appelaient respectivement Thaya et Thalia. Jamais vues ensembles, cette dernière bien secondaire, elles sont passées sous le radar.


D’autres idées ? Des exemples à partager ? Envie de faire un cours de yoga en latin ?

Un commentaire sur “Dis moi ton nom, je te dirai qui tu es

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  1. Ta partie sur le yoga était particulièrement explicite. Je confonds constamment Uttanasana et Utkatasana et je comprends donc parfaitement que tu aies confondu tes deux personnages. J’aime toujours autant te lire, chaque fois c’est un petit feu artifice de joie dans mon coeur

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