Un cœur entre deux continents

Depuis toujours, d’aussi loin que je me souvienne, mon cœur a toujours été partagé, ballotté d’un côté et de l’autre de l’océan Atlantique.

Je suis née en France d’un père français et d’une mère mexicaine. J’ai grandi dans l’hexagone, où nous avons beaucoup déménagé. Les vacances d’été, lorsque nous le pouvions, nous les passions au Mexique, dans ma famille, dans une petite ville sur la côte pacifique.

Je garde des souvenirs tendres de ces mois passés au bord de l’océan, à jouer dans le magasin familial, à manger les plats concoctés par mon abuelita, à explorer le jardin aux plantes tropicales et merveilleuses, à courir dans cette vaste maison pour en découvrir tous les trésors. Les fruits étranges, succulents, les plats colorés, épicés, les parfums riches, fleuris, l’air humide. Un quotidien dans lequel je me laissais bercer, qui m’habitais, m’enivrais.

L’odeur de cette maison me hante, m’envahit parfois au détour d’une rue et me ramène à ces temps de douce insouciance. Douce insouciance, douce nostalgie, douce tristesse aussi.

La tristesse de devoir dire au revoir une fois l’été fini, de se demander s’il ne s’agirait pas plutôt d’un adieu, de ne pas savoir quand et si on se reverrait.

Je me rappelle chaque fois que j’y allais d’être émerveillée par l’ébullition de ce pays, par l’énergie qui animait les rues, le joyeux désordre et la lumière cuisante, brûlante. Jaune et claire, elle donnait à la ville la teinte d’une photo ancienne. Je me souviens de la musique qui ne cessait jamais de résonner, que ce soit la journée dans les magasins ou le soir dans les cantinas.

Ces rues, elles me fascinaient. Couvertes de sable et de poussière, animées par les vendeurs ambulants, riches de l’odeur des amandiers sous l’ombre desquels les passants se reposaient. Il y avait toujours des chiens errants, des poules, des chats, des chevaux. Toujours de la vie et de la pagaille, là où en France, les rues sont plus souvent proprettes et contrôlées, contenues.

Cette énergie, je la retrouve ici, dans le nord est du Brésil.

La lumière n’est pas la même, l’odeur est différente. La musique vibre autant au son de l’accordéon mais moins à celui des trompettes. Ce n’est pas tout à fait pareil, ce ne le sera jamais vraiment, mais dans le fond, cette ébullition est bien présente, cette énergie si bonnement latino américaine.

Car non contente d’être déjà partagée entre la France et le Mexique, j’ai rajouté le Brésil comme pays d’adoption, pays qui a su me prendre aux tripes, capturer une partie de mon imaginaire et de mon cœur aussi, bien sûr.

Voilà en tout près de trois ans que j’y vis, malgré des allées et venues entre les deux continents. Plus de six ans d’une relation comme nulle autre, d’une paixão sans cesse renouvelée, avec cet homme sincère et ouvert, à la voix rauque, aux yeux curieux et rieurs, habité de ce petit grain d’abandon et de liberté.

J’aime être ici au moins autant que parfois je le déteste. La distance, les au revoir, la peur d’être loin, de perdre de vue certains qui nous sont chers, la tristesse de ne pas être présente dans les bons moments comme dans les difficiles, dans les moments simples et dans tous ceux qui sont partagés… Tout cela est plus que jamais réel, douloureux, vertigineux.

C’est un sentiment qui m’a toujours accompagné, souvent taraudé et que j’apprends à dompter petit à petit, à accepter et à intégrer.

C’est un sentiment partagé par beaucoup, par tous ceux qui ont voyagé, qui ont grandi dans des familles mélangées, riches de leurs cultures, mais toujours un peu nostalgiques d’un certain ailleurs. Il fait mal parfois, ce sentiment, même s’il en vaut bien la peine.

Car il implique des rencontres, des escapades parfois brèves et parfois plus longues. Il nous parle de terres lointaines et inconnues, qui n’attendent que de murmurer leurs secrets. Il porte l’écho d’histoires d’amour et de déchirement, d’histoires de passion, de celles qui nous serrent le cœur et le font battre plus fort.

Douce distance, doute infini, un océan qui sépare ou bien nous unit.

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